Octobre 2016 à Mars 2017
Diplômé en art et esthétique ainsi qu’en arabe littéral, François Dingremont s’est tourné vers l’étude de l’anthropologie en Grèce ancienne et en particulier de la tradition homérique. Il a soutenu sa thèse intitulée La mètis dans l’Odyssée ou l’art d’être efficace et obtenu son doctorat à l'École des hautes études en sciences sociales en 2010. Il a ensuite poursuivi un diplôme post-doctoral en sciences religieuses à l’École pratique des hautes études. Il y a également été chargé de conférences en anthropologie religieuse sur le thème Jeu et enjeu de la charis dans la poésie grecque archaïque (Homère/Hésiode). Ce parcours lui a permis d’allier son intérêt pour la littérature épique à celui pour l’étude des systèmes polythéistes. Il co-anime actuellement le séminaire anthropologie générale et philosophie à l'École des hautes études en sciences sociales. Il est également chercheur associé au Centre de Recherche en Art et Esthétique de l’Université de Picardie.
Malentendus philosophiques autour du mythe d'Ulysse
Ce projet de recherche questionne un certain nombre de parti-pris, créateurs de malentendus, concernant l’interprétation philosophique du mythe d’Ulysse. Ulysse symbolise en effet deux manières de concevoir le rapport de l’homme à la Raison. Selon une première conception, Ulysse est perçu comme un véritable héros, un voyageur et un apprenti philosophe. Il incarne ainsi une facette humaniste de la Raison, alors synonyme d’émancipation vis-à-vis d’un contexte mythique. Refusant l’immortalité offerte par Calypso, il fait le choix de s’affranchir de toute dépendance vis-à-vis des dieux. L’Odyssée serait une épopée philosophique narrant les épreuves que ce choix oblige à endurer. Selon une seconde conception, Ulysse est le héros négatif d’une Raison instrumentale triomphante uniquement motivée par sa survie et donc violente vis-à-vis de son entourage social et symbolique. Ces deux options interprétatives sont sources de malentendus car elles postulent que la signification de la Raison est la même que dans l’imaginaire homérique. Rien pourtant dans l’Odyssée ne correspond à ce que Conche, Ferry, mais aussi Adorno et Horkheimer appellent Raison. Ces définitions sont héritières d’une conception dualiste de la culture. Elles ne correspondent pas à la dualité de la pensée homérique qui, loin d’établir des distinctions irréductibles, des hiérarchies (mythe vs raison ; religieux vs séculier ; soi vs autre ; tradition vs modernité), institue une bipolarité où la clarté, la recherche de repères stables, d’un équilibre du kosmos, ne s’envisage pas sans l’opacité, vecteur de confusion, constitutive de toute forme d’identité. C’est ainsi que nous interprétons l’identité polytropique, opaque, ondoyante, d’Ulysse, sa mètis. Une étude de l’intelligence ulysséenne de la crise - puisque l’épopée est une littérature de la crise - nous renseignera donc moins sur le « Miracle grec », vu comme l’éveil ou le triomphe d’une Raison proto-dualiste, que sur l’attachement grec à édifier et entretenir leur propre opacité. Opacité, qui loin d’apparaître comme le voile que la Raison a pour mission de lever, est posée comme une valeur esthétique, anthropologique et ontologique.
DINGREMONT, François. L’autorité dans les épopées homériques. Entre absolu et relatif , Les mises en scène de l’autorité dans l’Antiquité, Laboratoire ERAMA, Paris : De Boccard, 2015, p. 76-95.
DINGREMONT, François. Ulysse est-il un voyageur ? Retour sur l'identité épique du héros de l'Odyssée, Héros voyageurs, constructions identitaires, sous la direction de G. Jay-Robert et C. Galinier, Perpignan : Presses Universitaires de Perpignan, coll. « Études », 2014, p. 121-134.
DINGREMONT, François. Les Sirènes d'Homère, retour sur un effet-miroir , Les Sirènes ou le savoir périlleux, sous la direction d'H. Vial, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 51-62.
DINGREMONT, François. Pénélope, la meilleure des Achéennes, Gaia, Revue interdisciplinaire sur la Grèce archaïque, éd. ERGA, Centre International d’Etudes Homériques, Université Grenoble 3, n°15, Décembre 2012, p. 11-40.
DINGREMONT, François. Homère, le génie du paganisme et les philosophes. Un conflit des sagesses », L’Homme, Revue Française d’Anthropologie, éd. EHESS, n°201, Janvier/Mars 2012, p. 55-84.