Généalogie(s) et déconstruction(s) de la modernité : regards croisés
porté par Raffaele Carbone, fellows 22/23 de l'Institut et Luis Mora Rodriguez, directeur de l'Institut.
14h00
Institut d'études avancées de Nantes
Amphithéâtre Simone Weil
Ouvert au public sur inscription via ce lien :
https://forms.gle/MgewFNKHHPDjaoNB7
Mardi 19 et mercredi 20 mars 2024
RÉSUMÉ :
L’idée de la modernité a fait l’objet de réflexions approfondies et de nombreuses
discussions. Au cours du XXe siècle bien des penseurs (de Heidegger à Blumenberg, de Sartre à Foucault) ont cherché à définir la modernité et en ressaisir l’esprit. Certains auteurs – notamment Weber – ont essayé de repenser la narration conventionnelle de la modernité occidentale en insistant sur le « désenchantement » du monde : dans cette perspective, l’avènement de la modernité se caractérise surtout par le développement d’une rationalisation progressive de toutes les sphères de la vie. D’autres ont prétendu identifier la marque déterminante de la modernité capable d’expliquer à elle seule les phénomènes essentiels des Temps Modernes (pour Heidegger, par exemple, la représentation est la détermination de l’époque moderne). D’autres encore ont questionné, dans le sillage de Marx, les enjeux de la philosophie moderne dans son rapport aux transformations économiques, politiques et sociales de la modernité (c’est le cas par exemple de Lukács, Horkheimer, Adorno).
Toutefois, à l’époque actuelle la question de la modernité – sa/es généalogie/s, sa présumé essence – ne peut être thématisée sans se confronter au paradigme décolonial. Les auteurs qui se réclament de ce paradigme ont entrepris un travail de véritable remise en question du concept et de la narrative européenne de « modernité » en mettant au jour sa face caché. Or, selon les penseurs décoloniaux (Dussel, Quijano, Mignolo, etc.), les auteurs qui élaborent une critique de la modernité occidentale n’ont pas vraiment remis en question l’horizon colonial où se constituent les subjectivités modernes. À cet égard, force est de s’interroger sur les dynamiques de pouvoir et sur les dispositifs culturels qui ont contribué à la naissance de la catégorie de modernité et des concepts qui lui sont associés (rationalité, rationalisation, marché, etc.) en s’appropriant non seulement les clefs d’analyse et les outils intellectuels de la Théorie critique mais aussi ceux de la pensée décoloniale.
Selon Dussel, la modernité est un phénomène européen, mais elle est ancrée dans une relation dialectique avec une altérité non-européenne qui en est la matière ultime. En effet, la « modernité » en tant que nouveau modèle de la vie quotidienne et de la connaissance émerge, à la fin du XVe siècle, en relation avec le contrôle de l’Atlantique : l’ego cogito moderne et cartésien dont Horkheimer montre les liens avec la constitution de la mentalité bourgeoise (« Théorie traditionnelle et théorie critiqué », 1937) a été devancé par l’ego conquiro hispano-portugais. La modernité est donc, selon Dussel, cet événement paradoxal dans lequel se mêlent émancipation et colonisation – cette dernière constituant le côté obscur (et caché) de la modernité.
À partir de cet horizon théorique et des enjeux politiques et culturels qu’il englobe, le colloque se propose de faire le point sur certains questions urgentes débattues dans le cadre de la pensée décoloniale, de thématiser à nouveaux frais les rapports entre l’approche décoloniale et la théorie critique de la tradition européenne, de repenser certaines reconstructions postérieures qui ont engendré le « mythe de la modernité » (Dussel).
PROGRAMME :
• Mardi 19 mars
14h00 - Accueil des participants
Mots d’ouverture par Luis Mora Rodriguez (IEA de Nantes) et Alain-Patrick Olivier (Collège International de Philosophie)
14h15 - Raffaele Carbone (Università di Napoli Federico II/Collège International de Philosophie)
Introduction : l’approche décoloniale comme clé de compréhension de la modernité
Séance 1
La pensée décoloniale : état des lieux et discussions actuelles
Président de séance : Luis Mora Rodriguez (University of Costa Rica/IEA de Nantes)
14h45 - Laura Catelli (Instituto de Estudios Críticos en Humanidades, Universidad Nacional de Rosario-CONICET, Argentine)
Mestizaje y colonialidad. Notas sobre raza, sangre y sexualidad
15h15 - Elsa Dorlin (Université Toulouse Jean Jaurès)
Avec quelle bibliothèque et en quelle langue pensons-nous la décolonialité ? Critique décoloniale et radicalisme noir guyano-antillais
15h45 - Discussion et pause
16h30 - Pauline Vermeren (LCSP-université Paris Cité/Collège International de Philosophie)
Race, modernité et théorie décoloniale en philosophie
17h00 - Karina Bidaseca (University of Buenos Aires/University of San Martin & CONICET, Argentina)
Poetics of the relationship, immersive landscapes and the right to opacity
17h30 - Discussion
20h00 - Dîner du colloque
• Mercredi 20 mars
Séance 2
Modernité, théorie critique et pensée décoloniale
Président de séance :
Alain-Patrick Olivier (Nantes Université/Collège International de Philosophie)
9h30 - Luca Scafoglio (Università di Salerno)
Domination and the Land: The Conquest as a Matrix of Modernity – Between Critical Theory and Decolonial Option
10h00 - Livio Boni (Collège International de Philosophie)
Un Francfortois en Inde : une introduction à l’œuvre d’Ashis Nandy
10h30 Discussion et pause
11h15 - Alejandro José de Oto (Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas/Conicet, Argentine)
Coloniality and historiography. The politics of time / Colonalidad e historiografia. Las políticas del tiempo
11h45 - Raphaël Barbey (Académie de Nantes), Claude Bourguignon Rougier (traductrice), Mathieu Renault (Université Toulouse Jean Jaurès), Guillaume Sibertin-Blanc (Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis)
Les mythologiques de 1492
12h15 - Discussion
12h45 - Déjeuner du colloque
Séance 3
Philosophie et sociologie au prisme de la théorie décoloniale : deux études de cas
Président de séance :
Raffaele Carbone (Università di Napoli Federico II)
14h30 - Leonardo Moreira (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Rousseau, anticolonialisme et théorie de la non-domination
15h00 - Edoardo Massimilla (Università di Napoli Federico II)
Se e in che senso « la sociologia storica » di Max Weber può dirsi eurocentrica ?
15h30 - Discussion
16h00 - Luis Mora Rodriguez (University of Costa Rica/IEA de Nantes)
Conclusion
16h30 Fin du colloque
Colloque organisé avec le soutien de l’Institut d'études avancées de Nantes, du Collège International de Philosophie et de l’Université Federico II de Naples.