Le Congrès mondial de l’IFLA (International Federation of Landscape Architects / Fédération internationale des architectes paysagistes) s’est tenu à Nantes du 10 au 12 septembre 2025 sur le thème « Guiding Landscapes ». Dans ce cadre, un sous-thème était consacré aux droits de la nature. À cette occasion, Elise Soufflet-Leclerc du Conseil des témoins de l’Internationale des rivières et autres éléments de la nature... a présenté une communication intitulée « Les âges de Loire : objet d’aménagement, chose à ménager, sujet de droit à installer ? », contribuant ainsi à inscrire le projet dans un débat international sur les nouvelles formes de reconnaissance juridique des milieux naturels.
La séquence a été présidée par Nathalie Hervé-Fournereau (CNRS, France) et a permis de découvrir d’autres initiatives en Australie, Turquie et Québec.
Les résumés sont consultables en ligne : https://f-f-p.org/wp-content/uploads/2025/09/A-Abstract-book_v2.pdf (séquence 2.4-CO-S1-2)

Les âges de Loire : objet d'aménagement, chose à ménager, sujet de droit à installer ?
Ce texte est une contribution de membre du conseil des témoins de « l’Internationale des rivières et autres éléments de la nature » qui, inspiré de conventions citoyennes et autres dynamiques de démocratie dialogique, cherche les voies d'un renouvellement des rapports entre recherche et société et approfondit ce que la composition des regards peut vouloir dire.
1 - De la Loire aménagée à la Loire libre, naturelle et protégée
Les paysages ligériens sont de longue date objet d’attention, d’études, de recherche. La Loire a été l’objet de multiples aménagements pour exploiter sa force hydraulique, sa capacité de refroidissement des centrales nucléaires, et sujette à de nombreux prélèvements de ses sédiments sableux, de son eau à des fins d’irrigation ou d’alimentation en eau potable… Cette logique aménagiste a généré des mouvements de lutte à partir des années 80 pour défendre une autre relation au fleuve comme le collectif SOS Loire Vivante.
La mise en place du Plan Loire Grandeur Nature en 1994 a marqué un changement dans la relation au fleuve avec l’arrêt des projets de barrage et la mise en évidence des aménités du fleuve : environnementale, paysagère, sociale et culturelle. Une portion de 280 km de Loire a été classée comme bien culturel au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 2000. Suivront la mise en place de mesures de protection de sites et d’habitats. La protection, la gestion et l’aménagement des facettes de l’objet Loire sont le quotidien de nombreuses organisations : Etat, collectivités, associations ….
2 - De la gouvernance de la Loire par les institutions ou avec elle-même ?
La Loire n’est t-elle qu’un objet découpé dont chaque aspect est gouverné par des logiques propres aux politiques publiques ? ou La Loire un sujet propre qui doit être considéré non plus comme objet de droit mais sujet de droit ? Qui la gouverne, qui est légitime pour le faire, qui défend ses intérêts ?. La fiction proposée par le POLAU en 2019 avec le « Parlement de Loire » a invité à requestionner le fleuve à partir du droit, des arts, de l’écologie, de l’anthropologie et du terrain. La Loire devient Loire. Cette entité vivante – à la fois écosystème et anthroposystème - pourrait-elle devenir sujet de droit ? Ces réflexions se poursuivent plus en aval avec «Vers une Internationale des rivière et autres éléments de la nature » depuis 2023, démarche portée par l’Institut des Etudes Avancées de Nantes avec Camille de Toledo. La démarche est accompagnée par des scientifiques de multiples horizons, des artistes, un conseil des témoins.
Elle veut aboutir à des propositions de lois pour le bassin versant de Loire, Loire et l’estuaire. Ces textes de lois sont inspirés par de nombreuses initiatives portées dans d’autres parties de monde pour la défense de rivière, lac, lagunes. Parfois ces combats sont initiés par des communautés autochtones comme en Nouvelle -Zélande avec la rivière Whanganui mais plus récemment dans la culture occidentale avec la lagune Menor au sud de l’Espagne qui a obtenu le statut de personnalité juridique, une première en Europe. L’appel du Rhône, la convention citoyenne voulue par Paris, Rouen et Source de Seine, Bourges capitale européenne 2028 et tant d’autres vont dans le même sens.
3 - Des paysages de Loire au système Loire
Cette autonomisation juridique de Loire ouvre un nouvel ordre des choses. Loire pourrait être dotée d’une perspective propre d’entité naturelle, indépendamment des regards des humains et de leurs intérêts à agir tels qu’habituellement organisés.
Comment cette proposition qui articule comme le paysage facteurs naturels et facteurs culturels vient-elle percuter ou au contraire renforcer la notion de paysage telle que définie dans le droit français et dans la convention européenne du paysage ? Comment ce nouveau sujet de droit viendrait interférer avec la politique du paysage en France avec les outils de connaissance comme les atlas de paysages, ou les outils de projet comme les plans de paysages. Le concept de paysage disparaît-il avec l’autonomisation du sujet ou la notion de paysage pourrait devenir un système d’inter-relations encore plus puissant avec une hybridation des sujets de droits ?
Références
Auby J.B, 2022, Retour sur la lagune espagnole de la Mar Menor : la loi de personnification du 30 septembre 2022, chemins-publics.org
Bujak A, Roudeau D, 2000, L’eau vive, Futuropolis, 140 pages
Chapouton M, Foulquier N, Rolin F, 2023, La personnalité juridique de la Seine, Gridauh, 61
de Toledo C, 2021, Le fleuve qui voulait écrire, les auditions du parlement de Loire, Les liens qui libèrent, 384 pages
Joliet F, Joliet-Bidet A., 2023, La rivière Magpie-Mutehekau shipu en personne, echoGéo [online], sur le Vif
https://www.appeldurhone.org/l-appel-du-rhône
Co-auteurices
Soufflet-Leclerc Elise
David Remy
Porcile Valentine
Desvime Laurent