Danouta LIBERSKI-BAGNOUD

Poste

Ethnologie, CNRS, Directrice émérite de l'Institut des mondes africains , France - Membre correspondante

Discipline
Anthropologie, Ethnologie
Pays
France
Danouta LIBERSKI-BAGNOUD
Période

Première résidence de 6 mois en 2009 puis membre associée de 2012 à 2015

Biographie

Après un cursus en anthropologie à l’Université Libre de Bruxelles, sous la direction bienveillante de Luc de Heusch, africaniste cinéaste du mouvement CoBrA, Danouta LIBERSKI-BAGNOUD s’est engagée sur la voie de l’ethnologie à la suite d’une rencontre avec les écrits, puis l’enseignement, de Michel Cartry, Directeur d’Études à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE, Paris), section des sciences religieuses.

Dès 1982, elle a participé aux travaux du centre de recherche “Systèmes de pensée en Afrique noire”, jusqu’à sa dissolution en 2005. Docteur de l’EPHE, et titulaire d’une Habilitation à diriger des recherches (Université Paris X Nanterre), elle est actuellement Directrice de Recherche au CNRS, rattachée à l’Institut des Mondes africains. Elle mène des recherches comparatives dans l’aire voltaïque, à partir d’une expérience de terrain régulièrement réitérée entre 1981 et 2012 dans la région kasena au Burkina Faso et au Ghana. Privilégiant l’analyse des catégories de pensée, telles qu’elles sont mises en œuvre dans et par l’activité cérémonielle d’une société, ses travaux antérieurs ont porté sur les montages institutionnels qui façonnent, étroitement articulés l’un à l’autre, territoire et parenté.

Projet de recherche

La souveraineté de la Terre

L’objet de la recherche est la situation de la terre en Afrique subsaharienne et le changement de régime symbolique qu’elle connaît depuis l’introduction par l’administration coloniale de la notion de propriété foncière et, dans la foulée, l’extension du domaine de la marchandise à la sphère des rapports complexes que l’homme noue avec le sol où il demeure.

Hors des sentiers déjà explorés par les nombreux travaux sur “la question foncière en Afrique”, l’enjeu de cette étude est d’analyser en toutes ses conséquences la mutation conceptuelle que représente pour les populations paysannes du Burkina Faso la fiction juridique d’une terre transformée en bien que l’on peut s’approprier, louer, vendre. Ces nouvelles donnes juridiques et économiques modifient à la racine le mode sur lequel les communautés villageoises en cette partie de l’Afrique fabriquent du territoire, c’est à dire instituent les lieux où séjourner en humain est pensable, sur fond d’un interdit qui exclut rigoureusement la terre de la sphère de l’Avoir.

Cet interdit fondamental, au sens de fondateur du lien social, frappe l’acte de vendre la terre comme celui de la délimiter et de la borner. Il ne faut pas s’y tromper : il ne s’agit, avec cet interdit, ni de l’une de ces règles qualifiées de “religieuses” en ce qu’elle renverrait à la conception mystique d’une Terre-mère (conception qui, au demeurant, ne trouve que peu de consistance dans les sociétés ouest africaines), ni d’une règle “économique” visant à préserver le patrimoine foncier en vue de le transmettre aux générations futures (comme ont pu parfois le soutenir les tenants d’une sociologie du développement). La formulation exacte de l’interdit lève un coin du voile sur la logique qui la sous-tend : « Vendre la terre, c’est vendre les personnes. Celui qui prend l’argent de la terre, mange les gens ». Il s’agit d’entendre en cet aphorisme l’exacte portée d’un acte qui est pensé comme autophage, en ce qu’il touche à la structure fondamentale de la société, à ce ‘Texte’, pour reprendre ici un concept de Pierre Legendre, ce tissage de liens de parole sur lequel s’élève l’édifice social.