Imaginer le monde à venir

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Pendant trois jours, les 14, 15 et 16 novembre se réunissait le conseil des témoins avec Camille de Toeldo pour débattre ensemble et en public, interroger des chercheurs et chercheuses, élu.e.s et acteurs locaux, et internationaux sur un monde à venir actant le tournant terrestre et la prise en compte de perspectives autres qu’humaines dans notre droit. 

 

Lors du second temps fort, rencontre avec des élus et acteurs du territoire

 Ce tournant, cette bifurcation, ce mouvement ne va pas de soi sinon il serait déjà advenu.

 Pourtant il n'y a pas de raison que la progression du droit ne se poursuive pas, il est probable qu'il se renforce au cours des prochaines années.

Quelles voies, quels chemins, quelles ruptures emprunteront les progrès juridiques ? La reconnaissance de la personnalité juridique des fleuves et des rivières constitue une voie assez prometteuse à l'échelle planétaire. Elle ne va pas de soi et rencontre naturellement des obstacles et des oppositions.

Les deux premiers jours à l'institut d'études avancées nos échanges d'abord au sein du Conseil des témoins, ont ensuite été enrichis du point de vue des chercheurs, chercheuses et avocate associés au projet. Nous avons débattu des représentations graphiques proposées par Axelle Grégoire pour donner à voir ces nouvelles entités naturelles juridiques, issues d'une résidence de recherche qui s'est déroulée au chateau de Goutelas en septembre. 

Enfin, nous avons interpellé des élus et acteurs locaux pour connaître leurs points de vue : Jean-Sébastien Guitton, maire d'Orvault et vice-président de Nantes Métropole délégué au cycle de l'eau et à la biodiversité; Aziliz Gouez, vice-présidente de Nantes Métropole délégué à l'alliance des territoires et l'enseignement supérieure et la recherche; Christopher Sebaoun, conseiller municipal de Tour délégué aux questions relatives à la Loire et au Cher, à la préservation du patrimoine fluvial et des ressources aquifères; Tristian Riom vice-président de Nantes Métropole délégué à l'agriculture, le climat, les mutations économiques, la résilience, la transition alimentaires et les transitions énergétiques; Anthony Descloziers, maire de Saint-Luce, vice-président délégué à l'économie, la responsabilité sociale et environnemental des entreprises, le tourisme et les équipements culturels métropolitains; Simon Léry, directeur du GIP Loire estuaire. 

 

Axelle Grégoire

Axelle Grégoire, architecte et co-autrice, notamment avec Alexandra Arènes et Frédérique Aït-Touati, du livre manifeste pour une cartographie terrestre, Terra Forma (éditions B-42).

Crédit photo: Anne-Marie Filaire

Enjeu général

Nos discussions ont porté sur cette hypothèse : si des « personnes juridiques » d’entités naturelles (de type : rivières, forêts, vallées…) se multiplient, comment cela peut-il fonctionner ? Quelle pourrait être leur mode de gouvernance, pour projeter au mieux leurs droits non-humains ? Quels liens s’établiront entre ces nouvelles figures et les acteurs institutionnels existants ? Et aussi, quelle pourraient être les conséquences de ce surgissement des figures non-humaines dans l’espace social sur l’économie dans laquelle nous vivons ? 

 

Enjeu local et bio-régional

Notre effort s'est ensuite portée sur notre environnement direct,  si nous devions imaginer, représenter, dessiner, concevoir, incarner la « personne légale » LOIRE, ainsi que définir ses droits, ses capacités, ses besoins en rompant avec la perspective seulement utilitariste posée sur la rivière, quelles seraient nos questions, par où est-ce que nous commencerions ? Si nous devions dessiner une forme de « masque totémique » pour incarner cette vaste entité de LOIRE, quels dessins, quels motifs nous viendraient à l’esprit ? Qui pourraient incarner Loire dans nos instances humaines et défendre ses droits en justice? 

temps fort 2 disccusion conseil des témoins

Crédit photo: Anne-Marie Filaire

Et à l'international

Enfin le 16 novembre au Lieu Unique et en public, nous avons écouté les témoignages venus de l'international, des témoins des luttes pour accompagner les écosystèmes dans la conquête de leurs droits en Equateur, Colombie, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande et Espagne. 

Nous avions réunis en ligne une vingtaine de représentants de différents collectifs pour les droits de la nature en France, et le public s'est également déplacé nombreux pour écouter. 

Souvent, les droits de la nature émergent en réponse à des atteintes majeures à l'intégrité de ces écosystèmes : agriculture intensive, tourisme de masse, exploitation minière, urbanisation chaotique provoquent des pollutions majeures, la mort massive des espèces vivantes qui y vivent, une dégradation forte des conditions de vie des communautés locales. Toutes et tous ont témoigné de l'inadéquation des institutions et du droit en vigueur au moment de leur combat pour combattre ces atteintes environnementales. 

Ils nous ont expliqué comment leur lutte a permis de faire émerger les droits de la nature, leur introduction dans leur différents modèles juridiques (dans la Constitution équatorienne, dans la loi en Nouvelle-Zélande ou en Espagne, devant les tribunaux ou à l'échelle locale au Etats-Unis) avec des succès et parfois des échecs. Nous avons aussi décortiqué leur choix de représentation des entités naturelles : gardiens humains au Wanghanui, comités de suivi et des représentants de la Mar Menor et la manière dont leurs droits se traduisent dans les institutions, les modes de gouvernance, la défense de leurs intérêt en justice. 

Des exemples inspirants pour poursuivre nos discussions d'ici le troisième temps fort en novembre 2025. 

 

Audition de Rory Smith de Nouvelle Zélande

Rory Smith, membre de Te Kōpuka, le groupe mandaté par la législation Te Awa Tupua reconnaissant la personnalité juridique du fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande pour définir une stratégie fluviale en son nom. 

Crédit photo : Anne-Marie Filaire