Habiter, vraiment ?
Vivons-nous une crise de l’habiter ?
Au-delà de la crise – avérée – du logement, les manières dont nous résidons sur terre posent désormais problème. L’anthropocène n’a pas livré son verdict mais nous oblige à penser à nouveaux frais l’habitation : quel est son écosystème, avec qui cohabitons-nous finalement ? Comment convient-il de nous représenter le chez-soi, le dehors, les espaces privés, publics, intimes, extimes ?
Si nous voyons désormais les limites des volontés et projets de maîtrise, de contrôle du vivant, les fantasmes en la matière restent puissants tout comme les velléités de monitoring de nos vies, intelligence artificielle et écosystèmes digitaux appelés au secours le cas échéant.
Problématiser notre condition humaine invite à mobiliser des regards scientifiques et artistiques pour convier des puissances d’analyse et d’expression : historiens, géographes, anthropologues, metteurs en scène, écrivains. Des pistes de renouvellement du regard et de nos sphères de vie s’en dégageront possiblement ! Inventer d’autres manières d’habiter peut passer par une attention au présent sans gager sur les besoins des générations futures, par un nouveau soin des choses, en passant par la déprise plutôt que la maîtrise ?
Mardi 8 octobre 2024 - Théâtres du monde, fabriques de la nature en Occident
Avec Frédérique Aït Touati
« La nature n’est plus un décor », affirment depuis quelques décennies philosophes et anthropologues. Mais comment l’a-t-on conçue comme telle – cadre immobile des actions humaines ? La Terre reste insaisissable sans les outils, images, récits que nous ne cessons de fabriquer. On peut aujourd’hui tenter de les interpréter, non comme les responsables de nos dérives « anthroposcéniques », mais comme des petits mondes clos pour tenter d’habiter le chaos du monde. Avec son dernier essai Théâtres du monde, Frédérique Aït Touati interroge la fabrique de notre conception moderne de la nature comme scène stable et fixe sur laquelle se joue la comédie humaine.
Frédérique Aït-Touati est metteure en scène et historienne des sciences. Chercheuse au CNRS, elle s’intéresse aux liens entre sciences, arts et politique.
Modération : Xavier Fouquet
Mardi 12 novembre 2024 - Le monde est vulnérable, comment en prendre soin ?
Avec Michel Lussault
L’urbanisation généralisée du monde s’est imposée depuis les années 1950, avec une puissance particulièrement impressionnante après 1950. En quelques décennies, la « révolution urbaine » a transformé de fond en comble la Terre, les sociétés, les individus et leurs manières de vivre. Jusqu’à devenir un vecteur des bouleversements climatiques et écologiques dont on perçoit clairement qu’ils menacent l’habitabilité humaine de la planète.
Comment faire face à ce défi sans équivalent dans l’histoire de l’humanité. Est-il possible d’inventer des manières complètement différentes de cohabiter, entre humains et avec les non-humains, qui permettraient de maintenir et même de réparer cette habitabilité ? Et pour ce faire, pourquoi ne pas chercher une inspiration du côté des théories du Care, appliquées à nos espaces de vie.
C’est à cette réflexion que la discussion de Michel Lussault et Laurent Devisme se consacre.
Michel Lussault est Professeur de géographie à l’Université de Lyon (École normale supérieure de Lyon), membre du laboratoire Environnement, Ville, Société (UMR 5600, Université de Lyon/CNRS).
Mardi 10 décembre 2024 - La machine à habiter
Avec Gwenola Wagon
Dans ce premier quart du XXIe siècle, habiter fait problème, aux deux sens du terme : habiter tout court, autant qu’habiter quelque part. C’est l’histoire de Max et Norma, qui comme d’autres du littoral ont dû abandonner leur habitation au bord de l’eau. Il·elles ont fondé une agence immobilière d’un nouveau genre : Il·elles sont devenu·es agent·es d’habitations imaginaires générées par des IA, et leurs écrans sont les plus intimes des machines à habiter. Les images générées suffisent-elles à réaliser les rêves d’habiter ? Peut-on trouver son propre espace dans un espace latent ?
Gwenola Wagon est artiste et chercheuse. Elle enseigne à l’École des Arts de la Sorbonne à l’Université Paris 1. À travers des installations, des films et des livres, elle imagine des récits alternatifs et paradoxaux pour penser le monde numérique contemporain. Elle enquête dans l’espace de l’hyperinformation et des infrastructures d’Internet en collaboration avec l’artiste Stéphane Degoutin avec qui elle co-réalise de nombreuses pièces, dont Cyborgs dans la brume et World Brain, le livre Psychanalyse de l’aéroport international. Après Erewhon et Virusland 2020, deux fables post-cybernétiques, elle co-réalise avec le philosophe Pierre Cassou-Noguès le film Anarchives du feu et le livre Théorie-fiction des IA génératives qui sera publié prochainement aux éditions UV, et dans lequel on trouve l’histoire de Max et Norma.
Mardi 14 janvier 2025 - Décrypter les paysages de l'anthropocène
Avec Anne-Marie Filaire et Diego Landivar
Notre mode d'habiter la planète, nos territoires, nos villes, nos espaces sociaux a été façonné par une volonté de maîtriser et de contrôler la nature par la technique et ce depuis l'époque dite "moderne". Nos paysages en sont transformés, nos lieux de vie pollués. Cette conversation entre la photographe qui a observé le devenir des terres excavées des travaux du "Grand Paris" et le chercheur qui a pensé l’écologie du démantèlement, nous conduira à imaginer des voies de bifurcation de nos infrastructures en assumant cet héritage.
Caroline Lanciaux anime cette rencontre.
Diego Landivar est économiste et anthropologue franco-bolivien. Il est actuellement titulaire de la chaire Habiter au prisme des limites planétaires à l'Institut d'etudes avancées de Nantes en partenariat avec l'ENSA, l'AURAN et SCE-KERAN. Ses travaux portent sur la Redirection Écologique depuis une analyse des infrastructures, organisations et pratiques héritées du capitalisme. Il est co-auteur avec Emmanuel Bonnet et Alexandre Monnin de l'ouvrage Héritage et Fermeture aux éditions Divergences.
© Pauline Théon
Anne-Marie Filaire est photographe, auteure de pièces radiophoniques diffusées sur France Culture et enseignante à l’institut d’études politiques de Paris. Sous la forme d’une exploration poétique de l’homme face à son environnement, son œuvre s’articule autour de la question du paysage et des préoccupations intimes des populations confrontées aux fracas géopolitiques. Témoignant de la transformation d’une ville par extractivisme, Terres, sols profonds du Grand Paris a paru en 2020 aux éditions La Découverte.
© Tonatiuh Ambrosetti
Mardi 4 février 2025 - De quelles ressources avons-nous besoin pour rendre le monde habitable ?
Avec Philippe Simay
Nos manières de construire et d’aménager l’espace, fondée sur la consommation massive de matières premières non renouvelables, ne rendent plus le monde habitable. Elles constituent bien plutôt un art de creuser sa tombe, entrainant avec nous l’ensemble des êtres vivants humains et non-humains. Comment sortir de cette culture extractiviste et productiviste mortifère ? Plus que de solutions techniques, il est nécessaire de partir d’une nouvelle conception des ressources pour repenser un écosystème matériel plus juste et compatible avec le maintien de la vie sur notre planète.
Philippe Simay est maître de conférences en philosophie à l’École d’architecture de Paris-Belleville. Il a animé la série documentaire Habiter le monde sur Arte. Derniers ouvrages parus : La Ferme du rail : pour une ville écologique et solidaire (avec Clara Simay, Actes Sud, 2021) et Bâtir avec ce qui reste (Terre urbaine, 2024).
© David Perrier
Mardi 11 mars 2025 - Peut-on allier local et décolonial ?
Avec Mathias Rollot
Une conférence-plaidoyer pour des sociétés tournées vers leurs écosystèmes futurs, plutôt que vers leurs racines identitaires passées. Après une brève histoire du mouvement « biorégionaliste », nous passerons en revue quelques-uns des enjeux du sujet, avant de proposer des outils pour mettre en pratique cette connaissance écologique locale dans sa propre vie (des cartes, des quiz…). Avec à chaque fois en tête l’idée qu’on ne peut déconnecter cette approche sensible des milieux d’une prise en compte sérieuse des problématiques raciales et coloniales de notre contemporain.
Mathias Rollot est maître de conférences HDR à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble, chercheur au Cresson (AAU), auteur, traducteur et éditeur. Dernier ouvrage paru : Décoloniser l’architecture (Le Passager clandestin, 2024).
Mardi 22 avril 2025 - Technopolice : les villes sous surveillance policière
avec Félix Tréguer
Drones, police prédictive, vidéosurveillance algorithmique : sous couvert d’optimisation et d’aide à la décision, ces technologies transforment l’urbanité toute entière pour en faire une vaste entreprise de surveillance. Une surveillance macroscopique d’abord, dédiée à un pilotage serré et en temps réel des flux de population. Une surveillance
rapprochée des individus et des groupes. Qu'est-ce que la prolifération de ces technologies changent à notre rapport à la ville, nos manières de s'y mouvoir, de se rencontre, d'y habiter ? Comment y résister ?
Félix Tréguer est chercheur associé au Centre Internet et Société du CNRS et membre de La Quadrature du Net, un collectif dédié à la défense des droits humains face au processus d’informatisation. Il est également l'auteur de Technopolice : la surveillance policière à l'ère de l’intelligence artificielle (Divergences, 2024).