Les architectes à l’épreuve de la transition écologique, héritages en perspectives
Ammara Bekkouche
Face aux aléas climatiques et autres vulnérabilités qui affectent la planète, Habiter le monde autrement requiert des changements de paradigmes pour mieux gérer l’écoumène, promouvoir l’équité sociale et la valorisation des communs (Renault, 2017).
En ce sens, la production architecturale est mise à l’épreuve de la transition écologique et des défis environnementaux inhérents aux enjeux écosystémiques de l’Anthropocène. Les signes annonciateurs paraissent avec le style minimaliste du Mouvement moderne (1929) et les représentations de Frank Lloyd Wright réprouvant d’une part, la spéculation rentière ; tenant compte d’autre part, du contexte socio-culturel et du lieu d’implantation du projet. Sa posture imbriquant naturalisme et organicisme en symbiose avec le paysage, renvoyait implicitement aux notions de milieu et d’écologie. Conjointement, le Less is more de Mies Van Der Rohe (1947) exhorte au dépouillement ornemental et la sobriété, concourant ainsi à l’émergence du minimalisme contemporain. En fait, le concept avait déjà été appliqué au logement social suite aux besoins liés à la révolution industrielle. L’objectif de minimiser les coûts en optimisant les usages, garantissait l’accès au logement et atténuait les inégalités sociales. Depuis, comment se traduit le minimalisme dans la conception architecturale conséquemment à la transition écologique ?
En Algérie, Fernand Pouillon affirmait construire vite, mieux et moins cher (1956) en assurant la quantité et la qualité. La démarche humaniste d’Hassan Fathy en Egypte (1969), recommandait en outre, de compléter la formation des architectes par une connaissance des problèmes ruraux. De nos jours, au-delà du dilemme urbain/rural et des enjeux démographiques, la résilience urbaine et son corollaire la frugalité, élargissent la réflexion à l’échelle mondiale et à l’ensemble du vivant. En écho à l’économie circulaire et le care, leur connexion à la nature vise à mieux gérer la biodiversité, la participation citoyenne, la mixité sociale, l’équilibre entre le matériel et le spirituel. Autrement dit, la reconsidération des inégalités sociales en fonction de la valorisation des communs, implique de dépasser la dichotomie entre l’Etat et le marché et à privilégier la valeur d’usage sur la valeur d’échange.
Dans cette perspective, l’Algérie a initié des politiques urbaines inclusives(2021)[1] induisant la formation des architectes en tant qu’acteurs de la transition écologique. S’il est encore tôt pour se prononcer sur les procédures conjecturées, on peut s’interroger sur les modalités d’ouverture à l’innovation locale au regard des spectaculaires tours végétalisées. Sans doute contribuent-elles aux impacts écologiques et esthétiques, il faut cependant noter que les coûts génèrent la disparité d’accès et la gentrification. D’où la question de l’engagement des architectes pour défier l’exclusion des faibles revenus[2] : comment concevoir avec et pour les usagers en faisant mieux et plus avec moins?
Bibliographie
- Bekkouche, A. (2022). (Ré)concilier l’architecture et l’écologie ? In Ouvrage collectif s/d Mohammedi Sidi Mohammed, Editions CRASC, Oran, Algérie, p.19-47.
- Berque, A. (1993). L'écoumène, mesure terrestre de l'homme, mesure humaine de la Terre : pour une problématique du monde ambiant. In: L'Espace géographique, tome 22, n°4, 299-305.
- Cézard et al. (2019). In rapport ADEME, https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/489-panorama-sur-la-notion-desobriete.html
- Fathy, H. (2010). Architecture for the Poor : An Experiment in Rural Egypt, Phoenix Books.
- Monjon, S. (janvier 2023). Environnement : la sobriété comme levier essentiel de la transition https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/287697-environnement-la-sobriete-comme-levieressentiel-de-la-transition
- Renault, M. (2017). Habiter le monde autrement: Pour une politique du commun. Revue Projet, 356, 72-81. https://doi.org/10.3917/pro.356.0072
- https://www.batiactu.com/edito/fernand-pouillon-inventeur-slogan-construire-mieux-52395.php
- Inégalités, un défi écologique ? Revue Projet 2017/1 (N° 356), 96 pages, Éditeur C.E.R.A.S
- https://www.undp.org/fr/algeria
[1] Sous l’égide du PNUD (Programme des Nations-Unies pour le Développement).
[2] En 2020 les revenus faibles et pauvres représentent 61,4% de la population mondiale; les intermédiaires et moyens : 32,1% ; les élevés : 6,8%, https://www.pewresearch.org