#15 ans de l'Institut - Tanella Boni - Construire un monde soutenable

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Dans le cadre de la célébration des 15 ans de l'Institut, un appel à contributions a été soumis à tou.tes les ancien.nes Fellows et membres du Conseil Scientifique. Une simple demande, produire un court texte sur un des thèmes suivants :

  • Variation autour de « Habiter le monde autrement »
  • Imaginaire : que sera devenu l’Institut d’études avancées de Nantes dans 15 ans ?

Voici leurs réponses !

IEA

Construire un monde soutenable

 Tanella Boni

Aujourd’hui, je me demande dans quel monde[1] violent nous sommes tombé.e.s.[2] 

J’aimerais pouvoir habiter dans un monde soutenable, habitable en vrai.  Il ne s’agit pas de comparer celui-ci au monde de nos parents ou de nos ancêtres.   Indéfinissable au premier abord, un monde, à moins d’être mythique, ne peut être figé de toute éternité : il évolue, est en mouvement, se transforme dans le temps et dans l’espace. Seule une méthode transdisciplinaire permettrait d’analyser de manière critique « l’ habiter autrement » que nous recherchons. 

Un monde c’est toute une histoire, c’est un contexte à penser comme  géographie,   politique, géopolitique, économie, écologie, cultures. Un monde habitable c’est un ensemble d’écosystèmes reliés les uns aux autres. Là où les vies se répondent en écho et se protègent, en n’oubliant pas la présence des non-vivants. 

Aujourd’hui, les menaces sur la vie libre et respirable planent, venues de partout.  Les Etats ferment leurs frontières. Les populismes gagnent du terrain.  Ce que l’on appelle la « nature » -qui se transforme elle aussi sous l’effet des activités humaines-   ne peut être oubliée ; elle impose ses propres lois quand son ordre est déréglé.   Entre inondations et désertifications nous ne pouvons pas échapper aux assauts du dérèglement climatique quel que soit l’endroit de la planète où nous habitons. Les réfugiés climatiques sont de plus en plus nombreux. Tout cela est bien connu. Que faire ?

Protéger les eaux et les forêts, là où elles existent. Mettre un terme au règne sans fin du plastique, mais comment ? Dans chaque localité, avoir la volonté de construire les maisons autrement. Utiliser des énergies renouvelables. Prendre soin des sols et les cultiver autrement : sans pesticides, sans herbicides. Pratiquer une agriculture raisonnable et apprendre à se nourrir en vue de la santé du corps et de l’esprit. Mais la faim existe, ce n’est pas une vue de l’esprit. Entre manger et se nourrir en ayant conscience de ce que l’on mange, a-t-on le choix ? 

Un monde habitable c’est celui où chaque humain a le droit de se nourrir sobrement, sous un toit où il peut dormir et respirer librement. Ce monde recherché ne se situe pas vers la lune ou une planète B mais ici-même dans un espace où la simple conversation est possible entre humains. Ceci n’est pas un rêve de plus. C’est ce que j’appelle un monde soutenable. 

 

 

[1] La polysémie du mot « monde » est remarquable. Voir, entre autres, le Dictionnaire de l’Académie française  https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9M2597

[2]  Dans un texte récent, je faisais allusion à Alice au pays des merveilles. Mais ici, les « merveilles » sont  insoutenables. Voir Boni, T. (2023). « The Sustainable and the Unsustainable: What is a Habitable Planet?”. In: Di Capua, G., Oosterbeek, L. (eds) Bridges to Global Ethics. SpringerBriefs in Geoethics. Springer, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-031-22223-8_3

Tanella BONI